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Au Festival de Cannes 2021, une Palme d’or qui divise pour « Titane » de Julia Ducournau - La Croix

Quelle mouche a piqué Spike Lee ? Au-delà de sa bourde – il a annoncé la Palme d’or au début de la cérémonie –, le président, accompagné de son jury, a récompensé cette année des films dont la subtilité ne saute pas aux yeux. Le Français Leos Carax, prix de la mise en scène pour Annette, noie son opéra rock dans un formalisme excessif qui finit par agacer. Tout aussi pesant, Titane, Palme d’or donc, porte bien son nom. À l’image du métal résistant et inoxydable souvent utilisé dans l’industrie, le long-métrage de la Française Julia Ducournau est un objet ouvragé pour festival : une série B habillée en smoking de film à thèse.

→ CRITIQUE. « Annette », opéra rock sur la noirceur brillante de l’âme

Le cinéma de genre n’a rien de honteux. Il y a deux ans, Parasite, du Coréen Bong Joon-ho, montrait combien les codes de ce cinéma pouvaient servir une virulente critique des inégalités sociales. Titane n’a pas cette force. Julia Ducournau y reprend le thème de son premier film, Grave, allégorie gore de l’émancipation d’une jeune femme, étudiante vétérinaire, qui se découvre des pulsions cannibales. Dans ce nouveau film d’horreur, Alexia (Agathe Rousselle), vit avec une plaque de titane dans le crâne depuis un accident de voiture causé par son père et entretient des relations charnelles avec… des véhicules de marque !

Machine à tuer tout ce qui s’approche d’elle, la jeune femme se fait passer pour le fils disparu d’un pompier – Vincent Lindon bodybuildé et désespéré – afin d’échapper à la police et pense alors avoir trouvé un refuge et un père prêt à l’aimer telle qu’elle est. Ce second film dans le film, parfois drôle, serait presque touchant s’il n’était lesté d’un dénouement grand-guignolesque.

Un film paré de tous les atours de la modernité

Multipliant les citations aux classiques de l’horreur, de Christine, de John Carpenter (1983), à Crash, de David Cronenberg (1996), Julia Ducournau cherche à s’inscrire dans leurs pas, avec un talent certain. Mais ses effets virent à l’esbroufe quand ils sont au service d’un gloubi-boulga idéologique mêlant mythologie, féminisme, identité sexuelle et transhumanisme. La cinéaste a d’ailleurs remercié le jury de reconnaître « le besoin d’un monde plus inclusif et plus fluide ». « Merci aussi au jury de laisser rentrer les monstres », a-t-elle ajouté. Le 7e art, de Georges Franju à David Lynch, ne l’avait pourtant pas attendue pour porter des monstres autrement plus subtils à l’écran…

Deuxième réalisatrice seulement à recevoir une Palme d’or, 28 ans après Jane Campion pour La Leçon de Piano, La Française est une femme, jeune, dont le film paré des atours d’une hypermodernité a séduit un jury dont le palmarès n’a pas su affirmer un choix clair entre classicisme et renouvellement. D’où une profusion de prix remis à des œuvres aux styles cinématographiques très différents.

Des prix doublement partagés

Le grand prix du jury est allé à Un héros d Asghar Farhadi, dont la mécanique implacable embrasse avec maestria tous les maux de la société iranienne et impressionne par la maîtrise de son récit et de sa mise en scène. Le réalisateur a dû néanmoins partager son prix avec un jeune cinéaste finlandais, Juho Kuosmanen, quasi-inconnu jusque-là. Chronique ferroviaire et tendre d’une rencontre entre deux solitudes – une étudiante en archéologie et un ouvrier – dans la Russie post-soviétique, Compartiment 6 a séduit par sa fraîcheur et son humanité.

À l’opposé, en attribuant un prix du jury ex aequo au Genou d’Ahed, de Nadav Lapid et Memoria d’Apichatpong Weerasethakul, le palmarès a récompensé deux cinéastes à la démarche singulière et radicale. Les prix d’interprétation font, eux, le pari de la jeunesse en récompensant la grâce de la Norvégienne Renate Reinsve qui incarne une jeune femme en quête d’elle-même dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, tandis que l’acteur américain Caleb Landry Jones l’emporte pour son incarnation pas toujours très subtile de l’auteur d’une tuerie de masse dans Nitram, de l’Australien Justin Kurzel. La déception vient du magnifique et subtil Drive my car, du Japonais Ryusuke Hamaguchi, lauréat du prix de la critique internationale et du jury œcuménique, qui ne repart qu’avec un prix du scénario.

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Le palmarès :

Palme d’or : Titane, de Julia Ducournau

Grand prix du jury :Ex-æquoUn héros, d’Asghar Farhadi et Compartiment 6 de Juho Kuosmanen

Prix du jury : ex-æquo Le Genou d’Ahed de Nadav Lapid et Memoria d’Apichatpong Weerasethakul

Prix d’interprétation féminine : Renate Reinsve dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier

Prix d’interprétation masculine : Caleb Landry Jones dans Nitram de Justin Kurzel

Prix de la mise en scène : Leos Carax pour Annette

Prix du scénario : Ryusuke Hamaguchi pour Drive my car

Caméra d’or : Murina, de Antoneta Alamat Kusijanovic

Œil d’or : A night of knowing nothing, documentairede Payal Kapadia ; prix spécial à Babi Yar. Context de Sergei Loznitsa

Prix du jury Œcuménique : Drive my car, de Ryusuke Hamaguchi ; mention spéciale pour Compartiment 6, de Juho Kuosmanen

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