L’année 2020 aura été pour le moins chaotique pour l’ensemble de la filière du cinéma: producteurs, distributeurs, exploitants. Mais, parmi eux, les distributeurs auront particulièrement souffert en raison d’investissements engagés pour rien et d’une fréquentation très médiocre au cours de l’été.
Après une année 2019 marquée par un record de 213 millions d’entrées, en hausse de 6 % par rapport à 2018, le cinéma a vécu une année 2020 catastrophique. Au total, les salles de cinéma seront restées fermées près de six mois. Et les pertes du secteur s'annoncent colossales, en particulier pour les distributeurs chargés de la promotion et de l’exploitation en salles des films, qui tirent leurs revenus directement des entrées.
2020, une année sacrifiée
D’après les estimations du C.N.C. (Centre National du Cinéma), la fréquentation totale de janvier à octobre est passée de 170 millions d’entrées en 2019 à 65 millions en 2020.
Selon le S.D.I., Syndicat des Distributeurs Indépendants: "En raison de la fermeture des salles pendant six mois, de l’absence de blockbusters américains et de la baisse de fréquentation durant l'été, les distributeurs ont perdu au moins 50% de leur chiffre d’affaires en 2020, et parfois jusqu’à 80 %".
Étienne Ollagnier, gérant de Jour 2 Fête et co-président du S.D.I., témoigne: "J’ai investi deux fois 250 000 euros pour la promotion du film Slalom à cause des reports de sortie et il n’a toujours pas pu être projeté en salle. C’est un investissement pour rien !".
L’annonce d’une réouverture initialement prévue au 15 décembre aurait permis de soulager en partie la profession. Étienne Ollagnier rappelle en effet que "la période de Noël est une période clé pour notre industrie: le mois de décembre est notre plus gros mois. Soulignons également que de nombreuses salles indépendantes vivent en grande partie des projections scolaires, qui n’ont plus lieu". Aux pertes financières s’ajoute une grande frustration des professionnels. Pour Éric Lagesse, coprésident du DIRE (Distributeurs Indépendants Réunis Européens) et patron de Pyramide Films, "il n’y a rien de cohérent depuis des mois. Nous passons beaucoup de temps à organiser des réunions en visioconférence dans le but de trouver une solution, sans résultat."
Régine Vial, directrice de la distribution des Films du Losange, fait part également de son amertume: "Nous mettons tout notre cœur dans chaque film. C’est chaque fois un gros investissement personnel. Et malgré tous nos efforts, ce travail n'aboutit pas".
Après avoir été reportés de nombreuses fois, certains films ont trouvé une issue ailleurs que dans les salles, même s’ils sont loin d’être la majorité. "Sur les films qui devaient sortir, seuls environ 10 ou 15 % ont pu être achetés par des chaînes de télévision ou des plateformes en ligne pour être diffusés directement en VOD", explique Éric Lagesse dont le film The Singing Club avec Kristin Scott Thomas a été reporté deux fois avant d’être acheté par Canal +.
Pour tous les autres films, l’annulation de la réouverture du 15 décembre aggrave encore leur situation. À nouveau, les campagnes de promotion et de marketing ont été interrompues et rendues infructueuses: du temps, de l’énergie, de l’argent à nouveau dépensés en vain. C’est pourquoi, après tant de déconvenues, l’annonce du gouvernement le 7 janvier 2021 concernant la date et les modalités de la réouverture des salles est considérée avec prudence, voire beaucoup de méfiance, sans oublier cette grande inconnue: le comportement du public.
Régine Vial (Films du Losange) craint notamment que "le désir du public s'estompe avec le temps pour les films dont la promotion avait déjà débuté et pour ceux qui n’ont pu sortir que quelques jours avant que les salles ne ferment", comme le film ADN de Maïwenn sorti le 28 octobre.
Une année 2021 qui s’annonce embouteillée
Tous les professionnels interrogés s’accordent sur le fait qu’il y aura un engorgement des sorties dans les premières semaines suivant la réouverture. En effet, la moitié des 600 films dont la sortie était prévue en 2020 sont toujours en attente et devront sortir en priorité, s’ajoutant aux sorties de 2021 initialement prévues…
"Plus la date est repoussée, plus les films qui sortiront chaque semaine seront nombreux et donc plus la concurrence sera forte. Les gros films mangeront certainement les petits! explique Éric Lagesse. Comment vais-je rentabiliser mes films si on prévoyait 800 000 entrées et que le film n’en fait que 200 000? Certains ne rentreront pas dans leur budget". Et l’embouteillage risque de perdurer après le Festival de Cannes (si celui-ci a bien lieu) puisque, en raison de l’annulation de l’édition 2020, celle de 2021 tentera sans doute de "rattraper" un certain nombre de films de l’an passé, lesquels s’ajouteront au cru 2021 et viendront encore accroître l’offre de films dans les mois suivants. "J’ai dix films à sortir avant Cannes, douze après. Normalement, nous respectons au moins trois semaines entre chaque film : faites le calcul, c’est impossible… " Thimotée Donay, gérant de la société de distribution lilloise Les Alchimistes attend avec impatience, mais aussi une grande appréhension, la réouverture: "Les gros distributeurs seront favorisés. Si des films doivent sauter parce qu’il y a une saturation des sorties, ce seront certainement les nôtres. Pour rétablir leurs comptes, les salles privilégieront les films qui marchent le mieux et ramènent le plus de spectateurs dans un court laps de temps". Une telle relance, à la fois hésitante et anarchique, non profitable à tous, risque de fragiliser nombre d’acteurs de la distribution qui, pour la plupart, se sont endettés en contractant notamment des prêts garantis par l’Etat (P.G.E.). Pour Éric Lagesse (Pyramide Films), il est possible que "certains distributeurs ne se relèvent pas en 2021"
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