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Annie Cordy accusée de racisme: «Aucun domaine n’est épargné par la cancel culture» - Le Figaro

FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la Région de Bruxelles a rebaptisé le tunnel Léopold II au nom d’Annie Cordy, pour faire acte de repentance postcoloniale, la chanteuse populaire est accusée de racisme pour son titre Chaud cacao. Selon Alain Destexhe, il s’agit de nouvelles tentatives pour supprimer ce qui constitue l’histoire occidentale et la culture populaire.

Alain DESTEXHE, Sénateur honoraire (Belgique), Ex secrétaire-général de Médecins Sans Frontières.

La Belgique est la patrie du surréalisme, un pays qui ne cultive pas la fierté nationale (sauf lors des matchs de football), rejette l’élitisme, se désintéresse de son passé et dont les sept gouvernements se veulent à la pointe du progressisme sociétal.

À la suite de la mort de George Floyd, de nombreuses statues de Léopold II furent déboulonnées ou vandalisées un peu partout sur le territoire belge. Il y a deux mois, le gouvernement régional bruxellois, alliant socialistes et écologistes, organisait une «consultation populaire» sur Internet afin de rebaptiser le Tunnel Léopold II, un long ouvrage rénové sous un des principaux axes structurants de la capitale belge, traversant la commune de Molenbeek et menant à la Basilique nationale du Sacré-Cœur, qui domine la ville. À aucun moment le gouvernement de la Région de Bruxelles ne songea à demander aux Belges s’ils voulaient changer le nom du tunnel. Une consultation populaire, certes, mais strictement encadrée selon les canons de l’époque.

À la suite de la mort de George Floyd, de nombreuses statues de Léopold II furent déboulonnées ou vandalisées un peu partout sur le territoire belge.

Seuls des noms de femmes étaient proposés, dont la plupart n’avaient aucun lien avec la Belgique, ou étaient inconnus du public belge: Rosa Parks, figure de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis ; Semira Adamou, une jeune exilée nigériane étouffée par deux policiers alors qu’elle se rebellait lors de son expulsion du territoire belge ; Sophie Kanza, la première femme congolaise à avoir occupé un poste gouvernemental dans son pays ; la Kenyane Wangari Maathai, prix Nobel de la paix pour son combat contre la déforestation ou encore Marguerite Yourcenar, Marie Curie, Simone Veil, des choix plus judicieux, et... Annie Cordy, qui l’emporta! S’il fallait vraiment changer, le choix de l’auteur belge des Mémoires d’Hadrien aurait quand même eu plus de d’allure!

Devenu depuis le best-seller de Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold, le symbole international de «l’horreur coloniale», Léopold II n’est plus défendu par personne au sein du royaume, pas même par la famille royale qui se tient coite.

Léopold II fut le second roi des Belges. L’histoire de Belgique n’étant plus enseignée dans les écoles, les jeunes Belges ignorent presque tout de son règne, marqué par un remarquable développement industriel (la Wallonie fut la première terre industrialisée du continent européen), le réarmement de l’armée belge qui en août 14 retarda l’avance allemande et permit à l’armée française de se déployer en Belgique (c’est ainsi que Liège devint le nom d’une station du métro parisien), et la construction des principaux axes routiers, parcs et monuments de Bruxelles qui donnent sa physionomie actuelle à la capitale de l’Europe.

Léopold II fut un grand roi, ambitieux pour son pays, à une époque où les monarques influençaient encore la conduite des affaires. Il parvint à se tailler, d’abord pour lui (l’État indépendant du Congo était sa propriété personnelle), puis pour la Belgique, un immense domaine colonial au cœur du continent africain en jouant sur la rivalité des grandes puissances. De son temps, la Belgique était respectée et influente dans le concert des nations. Débaptiser le tunnel Léopold II au profit d’Annie Cordy c’est comme si, toutes proportions gardées, la France rebaptisait les Boulevards des Maréchaux du nom de Plastic Bertrand. À l’échelle de la Belgique, effacer Léopold II de l’espace public serait l’équivalent de supprimer toute référence à Colbert ou à Napoléon des monuments français.

Débaptiser le tunnel Léopold II au profit d’Annie Cordy c’est comme si, toutes proportions gardées, la France rebaptisait les Boulevards des Maréchaux du nom de Plastic Bertrand.

D’un point de vue historique, ce n’est pas faire injure à la mémoire de la sympathique Annie Cordy, décédée en 2020, que d’affirmer qu’elle ne concoure pas dans la même catégorie que Léopold II.

Ironie de l’histoire, la chanteuse populaire, choisie pour effacer le nom du roi maudit, est, elle aussi, rattrapée par les tenants de l’idéologie décoloniale. Une bien innocente chanson Chaud Cacao est considérée comme raciste par des groupes ultra-minoritaires ne représentant personne, mais relayés par les réseaux sociaux. De nos jours, il suffit de peu pour détruire une réputation chèrement acquise. Dans le cas d’Annie Cordy, quelques tweets et un débat télévisé suffirent.

On a beau écouter et réécouter les paroles, un peu absurdes d’ailleurs (des pingouins dansant en plein climat tropical), de cette chanson simpliste, on n’y voit rien de raciste, mais il est vrai que les woke sont experts pour dénicher le mal là où le commun des mortels n’y verrait qu’une aimable niaiserie («rikiki les petits kiwis»).

Pour le wokisme, tout doit disparaître dans la culture occidentale, accusée de racisme structurel.

Pour le wokisme - notons à quelle vitesse ce terme venu des États-Unis s’est imposé dans le débat public - tout doit disparaître dans la culture occidentale, accusée d’un racisme structurel omniprésent dans la littérature (Voltaire, Shakespeare), la musique classique, l’opéra, le cinéma, mais aussi dans les bandes dessinées, les dessins animés comme Dumbo, Les Aristochats, Peter Pan, La famille Robinson, Speedy Gonzales et dans les traditions populaires, comme celle du Père Fouettard en Belgique et aux Pays-Bas. Après Michel Sardou et son (bon vieux) Temps des colonies, c’est au tour d’une autre chanteuse populaire, Annie Cordy, d’être ciblée par les woke pour avoir chanté «Cho Cho Ka Ka O»!

Peu utilisée avant la mort de Floyd, l’expression «systematic racism» est devenue virale. La cancel culture a pris une allure hystérisante, aucun domaine n’est désormais épargné, pas même les mathématiques et la physique! Comme les marxistes, les woke veulent faire table rase du passé et réécrire l’Histoire. Le plus grave est peut-être que cette folle tentative de groupes minoritaires de détruire la civilisation et la culture occidentales ne se heurte à aucune résistance organisée.

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